mardi 3 juin 2014

MERCI À VOUS






Fabuleux cadeau de la vie: un collègue de travail m’exprime sa gratitude, dans le cadre de la campagne Merci à vous, lancée récemment par la CSN. Je vois ça, lis ça, m’étrangle (presque) sous l’émotion ! Et j’entends Édith Piaf qui chante: Non, rien de rien, non, je ne regrette rien… (si ce n’est de ne pas en avoir fait davantage encore, quand il le fallait). Merci, mille fois, François ! Il y a de ces prix qui valent bien toutes les médailles du monde.

Formidable idée, que celle de lancer un vaste mouvement de reconnaissance, adressée à celles et ceux qui, travailleurs de la fonction publique, rendent tous les jours les services indispensables à la population, souvent avec passion, et toujours dans l’ombre. C’est une initiative exceptionnelle, qui renverse ce qu’il y a d’odieux dans la prétendue sociale démocratie, où ce sont invariablement les petits pouvoirs, «patrons», «cadres» et autres personnes en quête d’autorité contraignante (et «neutre», comme de juste !) qui s’autocongratulent, se récompensent, se promettent de lucratives carrières, sans jamais mettre les pieds (par exemple) dans une classe, ou dans un bloc opératoire.

Je rêve du jour où le modèle de démocratie directe, mise de l’avant par l’ASSÉ, remplacera cette incroyable absence de gouvernement démocratique qui caractérise l’administration de nos services publics.

Nous n’en sommes pas encore là, tant s’en faut !

Les négociations des conventions collectives sont indispensables, bien sûr, incontournable (et très, très difficile) marche avant vers la démocratie sociale. Mais ce sont d’habituelles équipes spécialisées qui font l’essentiel du travail, sans compter que, depuis 1983 (l’année des fameux décrets du gouvernement Lévesque), les négos s’achèvent la plupart du temps par quelque loi spéciale — et une intoxication médiatique dirigée contre les employés de l’État.

Mais on peut donner du pouvoir à celles et ceux qui fournissent les services publics: commencer par leur dire merci, directement, parfois en les identifiant, les reconnaître pour ce qu’ils font, pour l’indispensabilité de ce qu’ils accomplissent, jour après jour, c’est déjà leur donner un certain pouvoir sur le travail même qu’ils effectuent. La valeur reconnue par les pairs, le mérite avéré par celles et ceux qui bénéficient de la fonction publique, seront toujours immensément plus gratifiants qu’une montre ou un chandelier offerts à petit budget, à chaque vingt ans de carrière !

Dire merci, c’est exercer un fantastique contre-pouvoir. 


Merci, François. Cette photo, ton sourire, ton message, c’est trop exceptionnel pour que je laisse passer ce moment de bonheur, sans souligner, publiquement, la chance que j’ai qu’un collègue, et pas n’importe quel, ait pensé à moi.





dimanche 1 juin 2014

POUR EN FINIR AVEC EDDY BELLEGUEULE





Je viens tout juste de lire, en quelques heures, le petit livre d’Édouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil, 2014).

Je suis bouleversé, comme après toute lecture importante, encore qu’important à ce point soit un fait littéraire plutôt rare. Ce roman autobiographique me rappelait Les mots pour le dire, de Marie Cardinal — en apparence deux romans très différents, et pourtant parlant tous deux de violence, de celle faite aux jeunes filles qui deviennent des femmes, de celle faite aux jeunes garçons qui deviennent des hommes, et pas nécessairement de ces «durs» qui plaisaient tant, naguère, à l’image virile qu’idéalisait le réalisme socialiste. Fallait voir ce qu’il en coûtait, d’êtres humains broyés pour l’exemple. Édouard Louis, tout comme Marie Cardinal, règle son compte avec la tyrannie de l’image, et bien sûr (et surtout), avec la violence sexuelle.

J’ai fouillé, et lu, aussi, ce soir, le texte de plusieurs interviews qu’a données Édouard Louis, pour expliquer son livre. Il ne m’a pas toujours convaincu, sauf si la poésie de l’écriture est, de quelque manière qui m’échappe un peu, une forme d’amour et d’indulgence. Je n’en suis pas certain. La révolution ne pardonne que rarement.

Je ne sais trop si le hasard fera qu’Édouard Louis lira ce très court article de blogue. Si jamais il me lisait, je voudrais tant et tant lui dire que je le crois, que je l’aime, et que je n’ai que rarement autant admiré, avec autant d’affection et de solidarité, j'insiste, de solidarité, l’auteur remarquable qu’il est, du récit stupéfiant qu’il a écrit.

Il y a de ces courages qui ne mentent jamais.