lundi 7 novembre 2011

HENRI GUILLEMIN, ENTRE LA TERREUR DES MOTS ET LA VERTU DES CROYANCES


Couverture de l'édition québécoise de Napoléon tel quel, par Henri Guillemin



En 2003, je participais souvent, en utilisant le pseudo « François », à deux forums historiques, initiés depuis l’Europe francophone. Plusieurs personnes de talent, souvent passionnées, parfois évidemment cultivées, discutaient sereinement de la sexualité médiévale ou de la disparition de la baignoire à la fin de la Renaissance… Il n’y avait en fait que Napoléon, le personnage, pour exciter des débats interminables, et soulever la polémique, braquant les uns contre les autres, adulateurs et malveillants.

Ces derniers s’abreuvaient ( sans toujours l’admettre, loin de là ) de ce classique de la légende noire napoléonienne des temps modernes, Napoléon tel quel, écrit par Henri Guillemin en 1969. ( Dans son petit bouquin d’à peine plus de cent pages, l’auteur et célèbre conférencier commençait par ces mots : « Il est parfaitement vrai que je n’aime pas Napoléon Bonaparte », admettant qu’il publiait là un pamphlet, mais définissant le genre comme celui d’une « vérité qui déplait ». ) Plusieurs des participants au forum, parmi ceux qui étaient franchement hostiles à Napoléon, puisaient systématiquement leur inspiration chez Guillemin, tout en le niant, comme de juste, parce que Guillemin opposait Napoléon ( la guerre ) à Robespierre ( la guillotine ), un Robespierre « mystique » et désintéressé, socialiste avant l’heure, archétype d’un Staline de même mouture, sans le sexe et l’alcool, cela va de soi. J’ai, deux fois, écrit des messages ironiques sur M. Guillemin, le 13 mai, puis le 9 décembre 2003. Je voulais taquiner les thuriféraires de l’historien, par l’humour et le sarcasme, à la manière ( et dans les propres mots ) de M. Guillemin lui-même. 

Pourquoi publier à nouveau, ici, ces messages qui se retrouvent encore ailleurs, sur la toile ? D’abord, pour  me les  réapproprier, j’y tiens ! Mais par ailleurs, pour tenter de montrer à quel point l’histoire est un savoir construit, dans lequel l’auteur du récit, quel qu’il soit, se projette lui-même massivement. Henri Guillemin ne s’en cachait du reste pas, bien au contraire. Loin, très loin de l’École des Annales, qui proposait une approche globale, véritablement scientifique en Histoire, Guillemin disait construire ses histoires de vie à partir de trois critères décisifs : le sexe, l’argent, et la métaphysique – et le rapport du personnage étudié avec chacun de ces trois indices. L’approche est éminemment morale, et je la trouverais assez juste, si Guillemin ne faisait pas  de la perversité des méchants une tare spécifique qu’à la seule bourgeoisie capitaliste, génératrice sans égale de tous les scélérats, de tous les vauriens, de tous les voyous qui ont souillé cette Terre. On serait tenté d’y croire. La caricature, hélas, est extrême, et se discrédite d’elle-même. Et Robespierre ( ou Staline ), n’est qu’à grand-peine l’archétype du bras vengeur au nom de la Justice sociale ou du Bien  monastique absolu.

Voici donc le premier billet, celui du 13 mai 2003. Ce message colle de très près, presque mot pour mot, au texte d’Henri Guillemin :

« … Déjà Jean Tulard a écrit un petit livre faisant l’histoire de la légende noire. Mais plus récemment, une historienne dûment patentée (je veux dire formée au dur métier de la critique des sources et de l’histoire globale,) a publié un excellent ouvrage historiographique faisant, entre autres, le bilan de la fabrication mythologique monstrueuse accablant Napoléon. [Nathalie Petiteau : Napoléon: de la mythologie à l'histoire. ]

Mais tout de même, comme ça, et rapidement, prenons le cas d’Henri Guillemin, qui, dans Napoléon tel quel, a écrit probablement le chef-d'œuvre de la littérature haineuse sur Napoléon. Signalons qu’il ne s’en cache pas, et ce dès les premières pages de son bouquin. L’analyse de Guillemin se ramène à peu près à ceci. La Révolution a propulsé la bourgeoisie capitaliste au pouvoir. Robespierre a bien tenté de remettre en question l’exploitation de l’homme par l’homme, mais on sait comment ça s’est terminé.  Le coup d’État du 18 Brumaire ne s’explique que dans la continuation du renversement des Montagnards, et de la prise du pouvoir par la bourgeoisie. Bonaparte est l’homme de l’argent, du fric, du capital. Du reste, il se fait tout petit devant les hommes d’argent, qui, pour leur part, attendent de lui qu’il réprime violemment la populace et, mieux encore, la travestisse en soldats pillards. Un tel personnage ne peut être, quand il s’agit de se compromettre avec la bourgeoisie et d’être son homme, qu’un pur salaud. Et il l’est effectivement. C’est un étranger, un apatride, une pieuvre, un caïd, un gangster, une merde tout autant que Talleyrand à qui il ressemble comme deux gouttes de pus; sa femme est une prostituée et elle sent mauvais; lui même est rustre, goujat et sexuellement ambivalent; il parle mal le français, est piètre cavalier, lâche au combat comme dans la tourmente, menteur et hypocrite; c’est un obèse qui passe des heures dans son bain, et qui se réjouit de sa rotondité; il est incroyant, et donc immoral, et ne voit dans la vie que l’occasion de jouir à l’infini, d’où la fortune colossale qu’il amassera patiemment, et avec laquelle il corrompra tout son entourage; même mourant, il restera le salaud qu’il a toujours été, niant que l’amour existe, ne considérant les gens que sous l’angle du service qu’on lui doit, ne voyant ni soleil ni fleurs, âme qui dégage une odeur putride. Quant à son rôle historique, c'est-à-dire écraser les jacobins dont il dit que ce sont « gens à pisser dessus », il reçoit l’appui de tous les installés, en vrac Mme de Staël, les émigrés, les banquiers «suisses», les manufacturiers, les spéculateurs, les fournisseurs aux armées; tous sont d’accord sur la «fonction» sociale du personnage. Mais pour être ce personnage, il fallait être congénitalement pervers et monstrueux, et Napoléon l’était, en tout, tout le temps, et sans relâche. Au fond, qui dit bourgeoisie dit ordure. Napoléon en était l’illustration parfaite.

L’analyse est tellement caricaturale, tellement outrancière, et disons-le tellement ridicule, qu’elle se discrédite dès que l’on prend, un peu, quelque distance critique. L’idée même du cynisme social radical, tout autant que de la corruption morale et sexuelle des agents du développement de l’économie capitaliste, est une pochade grossière. Quant au portrait intime de Napoléon que dresse Henri Guillemin, il emprunte beaucoup à la légende noire, de droite comme de gauche. Et je crois toujours, et bien que ça semble paradoxal, que la légende noire fait tout autant pour le maintien du mythe que la légende dorée. Napoléon n’est pas plus crédible en monstre qu’il ne l’est en « dieu ». Reste qu’il est un mythe, qu’il l’a su, voulu et compris de son vivant, et que c’est par là qu’il ne cessera jamais de fasciner.

… L’admiration est irrationnelle. C’est un fait, et je l’admets pour moi sans peine. Mais son contraire l’est tout autant. »


Une deuxième fois, je me suis amusé, carrément, à analyser M. Guillemin lui-même, et à railler, en la caricaturant, la grille d’analyse de l’auteur. Un pastiche de la manière Guillemin, en quelque sorte.

« Imaginons une conclusion de thèse sur l’œuvre d’Henri Guillemin, dont un extrait pourrait se lire comme suit : 

L’œuvre de M. Guillemin est totalement manichéenne, et, en ce sens, s’inscrit profondément dans la psyché de l’écrivain, qui parle essentiellement de lui, de ses conflits psychiques et de ses clivages, par le biais des personnages qu’il étudie. La chose est déjà manifeste dans ses études littéraires, mais devient plus évidente encore dans ses essais historiques, telles ses études de Jeanne d’Arc et de Napoléon. La première est une fabrication psychique réconfortante, sublimant à l’extrême la pureté de la «vierge», entendons une femme intouchable, mais toute puissante, qu’on peut aimer, mais certes non désirer, et qui soumet les hommes, même le Roi, à la puissance de son action. Qu’il y ait là, chez Henri Guillemin, l’expression de sa peur de la castration par la mère est évidente. On en trouvera d’ailleurs la preuve complémentaire dans l’analyse qu’il propose de Napoléon : la haine que développe notre auteur à l’encontre de cette image du Père est absolue, et libère chez Guillemin tant d’angoisse qu’il n’y a plus de limites à l’expression de sa culpabilité, générée par ses désirs enfouis, pourtant bien ordinaires chez tout homme normalement dégagé de sa mère. Chose étonnante, Guillemin ne censure pas les produits fantasmatiques de son angoisse: Napoléon est le mal absolu, conquérant «pieuvre» et «vampire», pouvoir par le «sabre» et par «l’épée», immoral, fils insoumis de Notre Sainte Mère l’Église, sexuellement ambivalent, autrement dit d’une puissance phallique incommensurable, ce qui [pour Guillemin] est carrément insupportable. Cette puissance, Napoléon ne peut l’avoir conquise qu’en ayant eu, au préalable, une mère dégénérée, qui a couché avec un symbole de pouvoir intolérable, le gouverneur français lui-même. Et puisque le futur Empereur est sans surmoi maternel castrant, Guillemin ne peut voir en lui que la représentation de tous ses dangers psychiques internes : sexe, argent, domination sur les hommes, société à forte prévalence masculine, appétit vorace, vulgarité extrême, odeurs suspectes. Il est évident ici, que Guillemin parle, inconsciemment, de sa propre peur de l’homosexualité, sous-jacente à son angoisse de castration, et que lorsqu’il dénonce la bourgeoisie, qui devient pour lui un être personnalisé, une représentation très nette de ce qu’il abhorre, il parle inconsciemment de son propre blocage oedipien. À cet égard, sa crainte morbide de réussir s’exprime tout crûment par le refus du titre impérial qu’il s’obstine à dénier à Napoléon, ne l’appelant jamais autrement que l’«empereur», un empereur ridicule, qui ne sait même pas monter correctement à cheval. Faut-il insister longuement pour expliquer ici la symbolique de la chose? En fait, Henri Guillemin cherche à tuer symboliquement son Père. Voilà la tâche qu’il se donne en rédigeant son ouvrage sur Napoléon. Il est difficile de dire si l’auteur en a retiré quelque bien-être intime; cependant, avons-nous besoin de signaler que l’étude, sur le plan de la science historique, n’a que peu de valeur? De toute façon, elle ne sert visiblement pas à ça. Henri Guillemin règle, au fond, ses comptes avec lui-même. C’est en ce sens-là seulement que l’étude qu’il propose est passionnante, et Freud lui-même n’y serait pas resté indifférent… » 


Henri Guillemin écrivait superbement bien. Et s’il demeure vrai que je ne partage toujours pas l’analyse qu’il a faite de Napoléon, je n’en demeure pas moins admiratif de l’écrivain ( de l’authentique écrivain qu'il était, quoi qu’il en ait dit de lui-même, simple « commentateur », ) de sa pensée, de son engagement, et de son mépris des Installés – nous dirions, aujourd’hui, des cadres supérieurs avec boni ! En 1977, lui-même résumait ainsi son oeuvre: « Derrière tous mes livres et tous mes exposés, il y a une préoccupation métaphysique qui est évidente. Je n'ai pas cessé de croire, et je croirai de plus en plus— maintenant que je suis vieux— qu'aucune modification structurelle de la Cité n'est suffisante. Cette modification est indispensable; mais on aura beau établir une Cité humaine où l'exploitation sera sinon effacée du moins considérablement diminuée, on aura beau établir un régime fiscal plus juste, on aura beau resserrer la hiérarchie des salaires, on n'obtiendra rien s'il n'y a pas une modification profonde du regard jeté par les hommes sur le monde et sur la vie. Le malheur restera au fond de l'individu humain si cet individu n'a pas une vue du monde qui lui permette de dépasser le désespoir. » (Source: http://membres.lycos.fr/histoirespadoise/guillemin.html)

Henri Guillemin est décédé en 1992. Il sait maintenant s’il a eu raison de croire et d’espérer. J’imagine cependant qu’il l’ignore, puisqu’il n’est plus, autrement que par son œuvre, qu’on lira encore longtemps.

Note: J'ai publié ce post, d'abord, sur un tout autre blogue. Il n'était pas pertinent. Il l'est davantage ici. Je l'ai relu, revu, et augmenté. Par ailleurs, l'oeuvre de Henri Guillemin est immense. On se demande comment un seul homme a pu produire autant, le temps d'une vie. Ses meilleurs bouquins portent sur Victor Hugo, sur Chateaubriand, sur la guerre de 1870. L'essai qu'il a fait sur Mme de Staël est désopilant, et a dû, comme celui sur Napoléon, beaucoup déplaire.






dimanche 6 novembre 2011

DOUCE FRANCE II


12 secondes d'un petit film médiocre, mais dont le sujet était d'une beauté telle que je ne résiste pas à l'envie de le diffuser sur ce blogue. C'était une Chose vue éclatante, vue du reste au dernier soir où LeChum et moi étions à Paris. C'est lui qui avait insisté pour qu'on se rende au Champ-de-Mars regarder de près la belle dame. Elle valait le déplacement, mille fois plus séduisante que les traditionnelles danseuses à paillettes qui ont fait jadis la réputation du Paris-by-night, et dont, peut-être, la Tour s'inspire quand il lui prend de scintiller. Au premier coup d'oeil, en sortant du métro, cette immense ossature, brillamment éclairée dans la nuit, me rappelait la fusée lunaire, dans Objectif Lune ! Et de fait, c'était absolument féérique. L'illumination de la tour Eiffel a renouvellé le défi qu'elle avait dû, déjà, relever à l'époque de sa conception et de sa construction. Une splendeur !




J'ai pensé longtemps que la Côte d'Azur était sans intérêt. Préjugé ( amer ) de celui qui n'a jamais été du jet-set. C'est en fait magnifique ! ( J'entends déjà Vincent me dire - m'écrire: t'es bien comme tous les Québécois, t'aime tout de la France, que tu trouves toujours, tout le temps, raffinée ! Eh bien, ... oui. )  On arrivait, au petit matin du premier jour, je regardais par les fenêtres du bus largement ouvertes sur l'air frais de la Méditerranée, et j'ai dit au Chum: « J'adore ça ! » Et puis: « C'est la Floride, mais avec goût ! » Pas vraiment Monaco, mais partout ailleurs, et singulièrement à Nice où toutes les petites photos ci-dessus ont été prises. La place Masséna est une merveille, de jour comme de nuit.





C'est Lyon qui me réservait la vraie surprise de mes quelques semaines en France. Étonnant, mais je ne connaissais pas du tout la ville. S'y trouver, dans le Vieux-Lyon, comme en Italie, mélange de Venise et de Rome au temps de la Renaissance, ( ce qui, historiquement, s'explique, ) c'est singulier, et c'est fortement addictif. Par ailleurs, le napoléonien que je suis n'a pu s'empêcher de raconter au Chum, qui n'en demandait pas tant, que Lyon avait été la plus bonapartiste des villes de France. En 1815, au retour de l'ile d'Elbe, Napoléon avait reçu, du petit peuple ouvrier de la ville, un accueil frénétique qui avait stupéfié tous ceux qui avaient vu l'événement. En quittant la ville pour Paris, Napoléon avait lancé une proclamation qui se terminait par: « Lyonnais, je vous aime ». Je l'ai compris !




À chaque fois que j'ai mis les pieds à Paris, que j'ai vu et revu intensément cette ville, je me suis invariablement répété que c'était la plus belle ville du monde. Je l'ai à nouveau pensé - sans que je puisse prétendre pouvoir faire une comparaison vraiment éclairée... Je suis sûr, pourtant, que c'est la plus belle ville du monde. Je suis sûr qu'Étienne ( un « ex » ! ) me disait vrai quand il m'affirmait, il y a quelques années de ça, qu'il y avait à Paris une unité psychiatrique qui soignait le « choc de la beauté ». J'ai ressenti le choc de la beauté - sans nécessité d'internement, j'ai tant marché cette ville que l'exercice et le plein air parisien m'ont gardé sain d'esprit ! ( C'est à Montréal que ça s'est mal présenté quand je suis revenu ! ) Comment, malheureusement, montrer des photos qui ne fassent pas cliché ? Voir le Louvre, ou la cour des Invalides, y prendre et perdre son temps, tenter bien en vain de fixer sur photo l'émotion que l'on éprouve à braquer les yeux sur tant de magnificence ( vraiment ), et par après, montrer ces photos désolantes parce qu'universellement connues en tant que photos...: c'est risqué, c'est souvent décevant, c'est toujours en dessous de ce qu'est le Paris à voir, à fouiller, à redécouvrir mille fois dans sa vie.



Et puis, et puis, il y a quand même une grande sagesse à Paris !
( graffiti rue Mouffetard )


P.-S. Il y aura un Douce France III: dans une toute autre perspective. J'ai pris des notes !





mercredi 2 novembre 2011

LE MYTHE TRUDEAU




Je viens, tout en mangeant, d’écouter le Club des ex, qui dénonçait ( disons ) le virage monarchique, guerrier et unilingue du gouvernement Harper. Par comparaison, le même club magnifiait ( comme de juste ) l’héritage Trudeau, ce bilinguisme prétendument rigoureux, qu’aurait respecté par la suite le gouvernent Mulroney.

La blague est bonne. Parce que le gouvernement Trudeau n’a jamais appliqué un bilinguisme intégral, jamais. Souvenez-vous de la crise des gens de l’air, ces pilotes qui voulaient pouvoir travailler en français chez le transporteur national: Trudeau avait reculé face à Air Canada, comme il a reculé devant la fronde des fonctionnaires fédéraux unilingues. En fait, les services bilingues, assurés par l’État fédéral, sont rigoureusement... limités.  Souvenez-vous, surtout, de cette clause légale et constitutionnelle, parfaitement odieuse, dite du «là où le nombre le justifie», qui s’applique à toutes les provinces, sauf au Québec, ce qui leur permet de restreindre considérablement l’obligation qui leur est faite d’assurer le bilinguisme scolaire. Seul le Québec a l’obligation de fournir des services scolaires en anglais, partout sur son territoire, sans égard à la clause du «nombre qui le justifie». Le scandale reste énorme, l’injustice, criante.

( Par ailleurs, l’idée même d’un Canada davantage pacifiste durant l’ère Trudeau fait franchement sourire. Il y avait les mots, c’est vrai. Il y avait le « Viva Cuba, Viva Castro », c’est vrai. Mais qui, mais qui donc, pourtant, a autorisé, sur le territoire canadien même, l’essai des missiles Cruise, puissamment souhaité par l’administration Reagan ? L’Alberta en entend encore les sifflements ! Et ce n'est là qu'un exemple. )

Mulroney, c’est exact ( et Chantal Hébert l’a quelques fois rappelé, ) a tenté, avec l’Entente du Lac Meech, de traduire la réalité québécoise dans la constitution, juste contrepoids à la clause du « là où le nombre le justifie. » On sait tous comment nos compatriotes du Canada anglais ont pulvérisé l’Entente, guidé en cela par M. Trudeau lui-même. Cependant, M. Mulroney était parfaitement capable, lui aussi, de prendre ses libertés face à la loi sur les langues officielles, et face aux obligations découlant de la constitution canadienne elle-même. Il a nommé, par exemple, un gouverneur général, Ray Hnatyshyn, qui ne disait pas un mot de français. Aux journalistes qui s’étonnaient, M. Mulroney avait répondu que « c’était la valeur de l’homme qui comptait. » Et voilà pour le sacro-saint principe !

On a vraiment la mémoire courte. On aime entretenir des mythes. Celui de l’héritage intangible de M. Trudeau en est un, joyeusement mensonger. Mais quand on est bien élevé, ( et un peu aliéné, ) ce sont des choses qu’il est préférable de ne pas dire — ou même d’écrire.